« La renaissance de l’alchimie dans l’œuvre de Carl Gustav Jung » Par Françoise Bonardel, Dr en Philosophie, Professeur émérite (Uni-Sorbonne), écrivaine (Paris)

L’alchimie a-t-elle encore aujourd’hui quelque chose à dire qui puisse aider les hommes dans leur évolution personnelle, tout en contribuant à la sauvegarde de la nature et à la paix sociale ?

Tel l’oiseau Phénix, cet Art traditionnel semble en effet n’en jamais finir de mourir et de renaître de ses cendres sous des formes nouvelles qui en perpétuent plus ou moins fidèlement l’esprit. Mais qu’est-ce au juste que l’alchimie dont l’univers pour le moins étrange est « à la fois subjectif et objectif, imaginaire et réel, spirituel et matériel » (René Alleau) ?

Placée en Occident sous le signe d’Hermès, l’alchimie a emprunté à l’hermétisme antique une vision «holistique » du cosmos, et une philosophie de la nature respectueuse des trois règnes (minéral, végétal, animal) à l’endroit desquels l’homme est appelé à se comporter en protecteur et non en prédateur. Pourquoi donc le grand « médecin de l’âme » que fut Carl Gustav Jung (1875-1961) s’est-il autant intéressé à l’alchimie à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages ? En quoi cette approche psychologique renouvelle-t-elle la vision qu’on avait jusqu’alors de l’Art d’Hermès ?

C’est en 1928, quinze ans après sa confrontation personnelle avec l’inconscient rapportée dans Le Livre Rouge, que Jung dit avoir « pu approcher l’essence de l’alchimie » dont il ne devait plus cesser d’étudier les textes canoniques. Riche d’un symbolisme intemporel, cette très ancienne pratique lui parut alors préfigurer les découvertes de la psychologie des profondeurs ; la quête de la Pierre philosophale étant à ses yeux l’équivalent du processus d’individuation (réalisation du Soi). N’épargnant pas non plus ses critiques à l’endroit d’un savoir traditionnel jugé immature, Jung n’en conclut pas moins que l’alchimie « fournit à la nouvelle science une base historique riche de signification. » (Mysterium conjunctionis).

Voie opérative et initiatique permettant d’unir Ciel et Terre, corps et esprit, l’alchimie a ainsi trouvé dans la pensée et la pratique analytique de Jung un cadre à la hauteur de sa longue histoire, de son imaginaire et surtout de son message qui mérite plus que jamais d’être entendu dans un monde en perte de cohérence, d’orientation et de sens.

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